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METISSE - lundi 27 octobre 2008

Ca fait longtemps que j’avais envie d’écrire sur le thème du métissage, enfin de mon métissage.

J’espère que cet article sera compréhensible pour tous.

 Vos lectures et commentaires sont toujours un plaisir.

 

Qu’est-ce que ça veut dire exactement ?

Comment je le vis, comment je pense que les autres le voit ?

 

 

Mon père est noir, ma mère est blanche.

Je ne vais pas relater ici les difficultés qui furent les leurs à l’époque de leur mariage.

C’était il y a quasi 38 ans…on s’en fout.

Pour résumer à l’époque ma mère était quasiment vue comme une femme lubrique d’être avec un grand noir, ou alors une espèce d’originale un peu fantasque et décalée.

Mon père…..et bien comme un noir quoi !

Sauf que la il avait la chance d’avoir pu se trouver « une blanche ».

Comme si la femme blanche était le salut de l’homme noir ;0)

 

 

C’était il y a 38 ans mais je pense que c’est encore et toujours  un peu le cas, mais bref, passons.

 

 

Etre métisse c’est être à la fois NOIRE et à la fois BLANCHE en ce qui me concerne.

Je vois donc cela à priori comme un PLUS.

C’est 1 + 1.

 

Or métisse dans une société blanche je ne suis pas vue comme une addition.

Une partie de ce que je suis est occultée dans le regard que les autres portent sur moi.

Au final, je suis NOIRE.

 

Parce que la majorité autour est blanche, que je ne le suis pas, et donc je suis noire.

En France, si tu n’es pas blanc…tu es autre chose mais pas blanche ET autre chose.

 

Je vis cela souvent de manière assez compliquée.

Elevée par une mère blanche, en France, je me sens avant tout Française et longtemps je ne me suis pas perçue comme métisse ou noire.

 

Ma mère me parlait en « blanche » (enfin normale quoi), m’élevait en « blanche » ne me voyait pas comme une petite métisse mais comme sa fille…..

 

Ce sont les autres qui m’ont fait prendre conscience petit à petit de ma différence.

Mes parents étant divorcés, mon père n’exerçant son droit de visite qu’épisodiquement, je n’avais aucune culture « noire ».

 

Les gens, eux auraient sans doute voulue que j’agisse différemment.

En petite antillaise sans doute….mais je ne l’étais pas.

Je ne comprenais pas.

 

Je ne savais rien dire ou pas grand-chose de la culture antillaise qui m’était étrangère tout simplement.

 

Je me suis construite sans doute sur une espèce de décalage.

 

Les insultes racistes auxquelles j’ai fait face comme beaucoup de minorités visibles, je ne pouvais pas y apporter de réponse ou y répondre par la fierté d’appartenir à une communauté.

 

J’étais petite métisse au milieu de blancs complètement incompétents à me transmettre des réponses ou des moyens de défense à des attaques qu’ils n’avaient pas connus ni ressentis jamais.

 

Ma mère ne savais pas gérer cela y compris dans la façon de gérer mon physique par exemple.

Mes cheveux frisés étaient un casse-tête pour elle.

Une maman française aux cheveux raides comme des baguettes de tambours ne savait pas prendre soin de ma chevelure abondante, sèche et fragile.

Pas épaulée par le père qui était absent, elle a préféré me les couper très courts depuis l’âge de mes 8 ans.

 

Parfois avec les cheveux mi-longs me les démêler pouvait prendre des heures.

Il aurait fallu me les natter, ou les attacher…les cheveux frisés demandent beaucoup d’entretien.

Même s’ils sont épais, ils sont fragiles, cassants et trop épais, ils prennent un volume considérable qui défie les lois de la pesanteur….

 

Elle me les a fait couper.

Je ressemblais à un petit garçon à un âge ou on joue à la poupée et ou on s’habille en rose, ou être une petite fille est lié à la coquetterie.

 

Les coiffeurs français ne savent pas et ne veulent surtout pas s’occuper des cheveux frisés, encore moins crépus.

 

On me les a coupé.

C’était plus pratique pour ma mère, j’ai trouvé cela handicapant pour moi.

 

Déjà j’étais noire pour le reste du monde, ensuite je ressemblais à un petit garçon.

 

 

Plus tard à l’adolescence j’ai eu la chance de tomber dans les années 80 ou les coupes courtes étaient à la mode, et j'ai commencé à m’occuper moi-même de mes cheveux.

Je faisais des brushings et surtout j’ai adopté un look décalé et un peu marginal.

 

Pourtant avec les garçons ça ne se passait pas très bien.

Je faisais beaucoup de danse, j’ai toujours été bien fichue.

Ca les garçons appréciaient, mais j’étais au mieux un peu exotique…au pire la nana dont on ne veut pas dire qu’on sort avec elle.

 

Nous sommes quoi qu’on en dise dans une culture qui privilégie le modèle blanc.

Au delà de cela il existe une autre tyrannie pour les femmes, celle d'être dans les « canons » de la beauté.

 

Les canons de la beauté c’est d’abord la blondeur pour une femme.

C’est culturel, mais la femme doit être douce, et la blondeur est associée à la douceur et avant tout les hommes (tendance machiste ancestrale) recherchent un modèle de femme qui soit la douceur.

 

Après la blondeur il y a la couleur des yeux.

Des yeux clairs, même de forme assez banale, sont toujours plus "beaux"  que des yeux marrons ou pire, noirs.

 

Une femme brune aux yeux marron a un aspect plus « piquant », plus signé et plus « dur » donc plus personnalisé qu’une felle blonde aux yeux clairs.

 

Si en plus d’être brune, d’avoir les yeux marrons, tu as la peau mate, tu as un aspect automatiquement moins « doux » et moins angélique…tu véhicules autre chose.

 

Vous le savez bien, dans notre société judéo-chrétienne Jésus, mais aussi les anges sont souvent représentés en blond avec des yeux clairs.

C’est associé inconsciemment à la douceur, la beauté et la BONTE.

Donc tu es BON.

 

Au contraire Judas, voire le diable eux sont bruns.

 

 

Je suis bien certaine que tout ceci joue un rôle inconscient avec notre façon de percevoir l’aspect physique des gens. Même encore maintenant en 2008 dans un pays devenu athée, ou plus exactement qui revendique très fort sa laïcité.

 

N’empêche le poids de l’histoire est énorme.

 

Une femme brune est associée à une  personnalité latine ou piquante, à la sensualité et très rapidement elle prend une dimension plus sexuelle.

 

L’attitude d’un homme envers une femme blonde est me semble-t-il proche de la demande en mariage.

Envers une femme brune, l'approche est sensuelle.

Une femme métisse est exotique….voire une expérience sexuelle à tenter une fois dans sa vie.

 

Je dis tout cela en partant du postulat que l’on a affaire à un homme blanc.

Pourquoi ?

 

Ben parce que statistiquement, je croise plus d’hommes blancs.

 

J’ai vécu en région parisienne mais aussi en province.

J’ai souvent été la seule « noire » dans mon collège, dans mon lycée, dans mon entreprise.

 

Les garçons qui me plaisaient étaient fatalement : blancs !

 

Donc pour résumer à l’adolescence à l’âge ou la sexualité prend corps et où on fait ses premières expériences, j’ai rencontré peu de tolérance en vérité et j’en ai ressentis un profond malaise.

 

Associée physiquement à un certain type de caractère, je me suis construit sans doute ce caractère plus piquant !

 

J’ai souvent été dans un groupe de filles la mieux fichue, la plus rigolote, pas mal physiquement, mais souvent celle qui était seule quant les autres avaient un petit copain.

Certains mecs sont sortis avec moi en cachette. Fallait pas que ça se sache.

 

D’autres ne m’ont jamais présentés à leurs copains et encore moins à leurs familles.

 

A cette époque là, je ne me suis donc pas sentie METISSE mais NOIRE.

 

Jai commencé à chercher à savoir d’où je venais et à moi-même m’identifier en tant que jeune femme noire.

Or je n’avais rien culturellement parlant me rapprochant de ma négritude.

J’ai lu…beaucoup lu la littérature noire américaine.

J’ai aimé la musique soul, puis le RAP, puis le R&B.

 

 

Il me fallait à tout prix devenir noire puisque c’est ainsi que j’étais traitée.

J’en ai ressentie une certaine révolte voir du militantisme, plus encore que certains « vrais » noirs.

 

J’ai toujours détesté un truc très banal, la première rencontre avec quelqu’un.

Je ne parle pas là de rapports de séduction.

Non juste rencontrer de nouvelles personnes.

 

On se présente, on dit son nom, voire ce qu’on fait dans la vie ou ce que l’on aime.

A moi, systématiquement au bout de 5 minutes on me demande d’où je viens, ou de quelle origine je suis……

 

2 blancs qui se rencontrent, à moins qu’ils ne soient à un festival folklorique, se demandent rarement dans les premières minutes s’ils sont bretons ou berrichons !!!

 

Comme je suis différente physiquement, moi il faut que je justifie immédiatement cette différence.

Cela n’a aucune espèce d’importance pour mon interlocuteur…mais il veut savoir.

 

Suivant l’humeur dans laquelle je me trouve, cela peut m’agacer prodigieusement, même que je réponds de façon très caustique alternativement :

-          à un parisien « Oui tu as remarqué aussi, je viens de la région Marseillaise »

-          à un provincial « Oui, je suis parisienne »

 

On me répondra qu’il en est strictement de même pour celui qui a un fort accent toulousain.

Et on aura raison.

 

Mais le Toulousain n’est pas perçu comme un « étranger ».

C’est en fait de cela que vient mon espèce de malaise, ou de complexe.

 

Je me sens infiniment française, et même très parisienne maintenant.

Je me suis sentie provençale quant j’ai vécu près de Marseille au point d’apprendre le Provençal au Lycée.

Je me sens européenne, je me sens urbaine.

Je ne me sens pas étrangère car ma culture est celle-ci.

 

C’est dans doute pour cela que j’ai « choisie » mon mari…il me manquait une part de moi-même.

Une part que personne n’avait pu m’apporter.

 

Inconsciemment j’ai aimé un antillais.

Un homme qui m’a rapproché de la culture antillaise, de mon autre moitié.

J’ai pu comprendre un peu d’où je venais, visiter les Antilles, toucher de près la culture antillaise, sa cuisine, ses odeurs, sa mentalité.

 

Je m’y suis longtemps accroché. Même si je parle mal le créole, même si je n’y ai jamais vécu.

J’avais besoin de cela pour être complète, entière enfin…comme si à l’égal de mon code génétique il m’avait manqué un ou deux chromosomes.

 

Cela m’a permis d’apprendre aussi à prendre soin de mon physique !

Des choses qui peuvent paraître idiotes. Mais aux Antilles, une île volcanique au sol argileux, l’eau est filtrée naturellement et est extrêmement « douce ». Pas ou peu de calcaire.

 

Quant on prend une douche le savon mousse beaucoup. Quant on sort de la douche la peau tiraille moins.

Puis j’ai mieux connu ma peau et mes cheveux.

Les soins utilisés par les noirs ne sont pas que folkloriques, ils sont parfaitement adaptés au physique noir.

La peau du visage est mixte ou grasse, la peau du corps est sèche et à besoin d’être huilée tout comme les cheveux pour les nourrir car les cheveux très frisés ou crépus sont secs.

 

On utilise beaucoup d’huiles issues des végétaux locaux comme la noix de coco.

Et ce n’est pas par hasard….on trouve une diversité incroyable de façon de nouer, tresser ou natter les cheveux car on a une expérience inégalable de leur texture si particulière.

 

J’y ai trouvé lors de mes séjours aux Antilles, au contraire de la métropole, une certaine fierté à être métisse.

Là bas c’est l’inverse, plus tu es claire, plus tu es convoitée.

Le modèle reste donc partout y compris dans le monde noir, le modèle « blanc » !

 

Plus blanche que les « locaux » j’y étais plus attractive, plus désirée, plus convoitée.

Cela ma apporté un peu de fierté et je me suis rendue compte de mon pouvoir de séduction.

 

Je me suis sentie plus fière de mon physique, moins « complexée » d’être différente. Il ya tellement de métissage en réalité dans les populations antillaises et noires américaines.

 

 

Pourtant je sais maintenant que je ne suis pas non plus une antillaise !

 

Je n’ai pas été élevée dans cette culture, beaucoup de choses me choquent. Le machisme ambiant, une société matriarcale à cause de l’absence d’hommes trop coureurs, des réflexions parfois rétrogrades…..

Là bas je suis comme une parisienne à la campagne…..



27/10/2008
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